De nos jours, ce que l’on appelle, sous l’influence de l’anglais, l’“expérience” désigne le “ressenti”, la manière dont une personne perçoit, vit quelque chose qu’on lui propose, la “qualité du vécu de l’utilisateur dans des environnements numériques ou physiques”.
L’“expérience” fait intervenir des notions d’ergonomie, d’attractivité, de levier d’adhésion, d’hameçon à la fidélisation, d’efficacité du “message”, d’émotion ou ambiance à susciter…
Cette “expérience” se met donc à toutes les sauces: expérience utilisateur, expérience client ou consommateur, expérience employé, expérience gamer…
Et l’expérience lecteur ?
L’expérience utilisateur venue du monde du marketing et des marques peut-elle nous apprendre certaines “ficelles”, à nous journalistes ou porteurs de projets média?
C’est en parler, l’ABiPP avait invité Cédric Cauderlier, fondateur de l’agence digitale Mountainview et formateur en pratiques numériques à la Solvay Brussels School, pour venir animer sa réunion thématique du 12 novembre 2019.
« Ce qui est vrai pour le business est vrai pour l’info”, lançait-il d’emblée. Au risque de « mélanger commercial et information? » L’idée est plutôt de trouver dans des modèles commerciaux qui ont expérimenté l’“expérience client” ce qui permettrait à la presse d’établir le même lien avec le lecteur. Simplement parce que ce dernier est plus que jamais “en attente d’être véritablement capt(iv)é, passionné par ce qu’on peut lui proposer”.
Embarras – et dilution – du choix
L’un des problèmes auxquels la presse est confrontée, c’est la profusion des sources d’infos et des choix qui s’offrent à l’internaute lambda. “De multiples nouveaux référents ont fait leur apparition. Pour chaque aspect de sa vie, l’internaute à un choix illimité de référents. Et le plus important à ses yeux, ce n’est pas forcément la neutralité mais l’accès à l’information.” Un accès à tout moment, en toute circonstance.
Profusion implique aussi une instabilité de la fidélité à un média – tellement il est aisé de trouver ailleurs ce que l’on cherche. “C’est l’âge du pick & choose – quand il veut, en 24×7, en flux continu. Et ce sera encore pire demain.”
D’où l’intérêt, voire la nécessité vitale, de créer un lien. “L’une des ficelles sur lesquelles travaillent les marques est celle de l’authenticité, de la transparence. C’est quelque chose qu’attend le consommateur.”
Les médias pure players, eux aussi, doivent jouer de ce paramètre…
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Qu’attend un lecteur de son “expérience” média?
Authenticité – interaction – dialogue – personnification – accessibilité – lisibilité – proximité.
Entre autonomie et adhésion
Pour convaincre les lecteurs de l’authenticité, de la valeur, de ce que propose un média, il s’agit d’offrir au lecteur la capacité d’interagir, de dialoguer avec la personne qui relate l’information, que cela soit par écrit, son ou vidéo.
Une relation intime – bien que virtuelle – doit donc s’instaurer, être alimentée, entretenue. Et pas uniquement ou pas forcément entre le média en tant que tel et le lecteur mais aussi et surtout entre ce dernier et celui ou celle qui le porte et le personnifie – cela peut faire toute la différence dans le fait de “capter/captiver/fidéliser” un internaute.
Même si ce ne sera pas le cas pour tous les médias pure players, tout dépendant de ce qu’est ce média, et de celui ou celle qui en est à l’origine… Et cela passe à la fois par le site du média, le blog du journaliste, les réseaux sociaux…
Jouer de cette “ficelle” de l’intimité ou, à tout le moins, de la proximité équivaut à du branding, estime Cédric Cauderlier: “les lecteurs suivent d’auteur d’un article, d’un blog, et le suivent s’il change de crèmerie…”
Cédric Cauderlier: “Les gens n’ont pas envie d’avoir accès à une plate-forme informelle mais plutôt de connaître une personne, de voir ses habitudes de vie… Cette humanisation touche les gens.”
Le but est d’“être top of mind”, pour que le lecteur spontanément pense à consulter le média, les contenus…
Mais il faut pour cela demeurer cohérent, préserver une ligne conductrice, quelque chose de précis. Ne pas vouloir créer du trafic, “convertir” à tout prix. L’authenticité…
Marche après marche
Que ce soit en termes de longueur, de richesse ou profondeur de contenu, ou de mode d’accès (assis au bureau ou “on the go”), on ne peut pas plaire à tout le monde avec un contenu “standard”.
Cédric Cauderlier évoque ici le concept de “marches”: permettre à chacun d’y trouver son compte, selon son mode préféré de “consommation” – une accroche sur les réseaux sociaux, un bref message, avec relais vers d’autres mises en forme et formulations, sur d’autres canaux…
Un système de “marches” qui a d’ailleurs aussi l’avantage pour le journaliste d’étendre ses chances de visibilité, de renforcer ses chances d’être top of mind et de diversifier les facettes via lesquelles il sera perçu par son destinataire.
Branding et proximité/personnification réunis dans une même démarche.