“Vendre du papier”. “Vendre du clic”. Vendre du “contenu”. Parvenir à faire payer le lecteur. Survivre sans vendre son âme au diable. Vous voyez où nous voulons en venir? La survie d’un média – qu’il soit papier ou en-ligne – est irrémédiablement lié à des considérations économiques.
La conférence-débat qu’avait organisée l’ABiPP le 7 mai 2019 a inévitablement abordé cet aspect vital des choses.
Par nature, par nécessité, un “pure player” – du moins jusqu’ici en Belgique – a dans quasiment tous les cas été lancé par un journaliste ou une petite équipe de journalistes, déçus de la “presse à papa”, pour reprendre cette expression.
Sur fonds propres, généralement, c’est-à-dire sur ses maigres fonds personnels. Et avec des moyens qui, au fil du temps, restent ténus. Comment dès lors faire vivre ce média dont ils ont rêvé, qu’ils portent à bout de bras, sans faire de concessions en termes de “virginité” journalistique?
L’initiateur d’un “pure player” est donc aussi un journaliste-entrepreneur, une espèce nouvelle qui doit encore trouver un équilibre. Il doit pouvoir adopter des réflexes de vendeur, de négociateur de “prix” de sa production, faire sienne une culture entrepreneuriale. « Il y aura nécessairement des incursions réciproques entre créateurs et entrepreneurs », estimait Damien van Achter (Pilote.Media).
Le monde des webdocs en est un exemple parmi d’autres. Arnaud Grégoire (Sense Productions) soulignait notamment l’évolution de ce « format » mais aussi le fait que les lieux et modes de financement ne sont plus adaptés. Le journaliste auteur de webdoc se doit de gérer son audience, de veiller aux moyens de la fidéliser. En parallèle vient se juxtaposer un autre profil: le producteur, qui prend la responsabilité de la gestion et de la rentabilité du canal, du support de diffusion. Reste à trouver les sources de financement pouvant à la fois rémunérer le journaliste et financer le projet.
Si un zeste ou une bonne dose d’esprit et de démarche entrepreneurial(e) est nécessaire, jusqu’où peut-on se permettre d’aller, où « placer le curseur » ? Cela suffira-t-il d’être « transparent » vis-à-vis du lecteur en lui exposant quel contenu a été créé grâce au financement de qui ?
Si la presse, en tant que telle, quelle qu’en soit la forme ou le “support”, n’y prend garde, elle se fera remplacer auprès des lecteurs par les marques, qui ont déjà commencé à occuper le vide laissé vacant, et qui exploiteront encore davantage demain la relation privilégiée, intime, personnalisée, le lien de confiance qu’elles ont avec les consommateurs, en leur procurant des contenus qui, en apparence tout au moins, auront tous les atours d’informations “sérieuses”. « Il y a urgence à se réapproprier les moyens de production », a-t-on entendu lors de cette conférence.