Augmentation du prix de l’énergie, conflit russo-ukrainien, catastrophe climatique… De nombreux sujets d’actualité font aujourd’hui l’objet de “mèmes”, ces photos ou vidéos humoristiques qui pullulent sur les sites spécialisés en la matière, comme 9gag, ou des sites communautaires tels que Reddit.
Médias à part entière (médias devant ici être pris au sens de canaux de communication), ces mèmes traitent le plus souvent de sujets qui sont déjà massivement relayés dans les médias traditionnels.
L’intérêt de la démarche ? “Les mèmes abordent toujours les sujets sous l’angle de la critique, du sarcasme, de l’ironie. Il s’agit aussi d’exorciser ensemble les angoisses du moment”, explique le chercheur Albin Wagener, spécialiste en analyse du discours, et plus particulièrement de leurs formes numériques, interviewé par le média L’ADN.
En parallèle, ces sites de mèmes seraient visités par la jeune génération afin de se tenir à jour sur l’actualité du moment, qui y exposée sous un angle plus léger. Ceux-ci misent effectivement sur l’“infotainment”, mêlant information et divertissement, en s’éloignant activement du traitement “sérieux” et objectif de la presse traditionnelle.
Ce type de contenus compte, de cette manière, sur la mobilisation des émotions et le buzz, mais aussi sur la sérialité du récit médiatique. On le sait, le public est friand d’actualités qui fonctionnent en épisodes, avec des rebondissements, des revirements et du suspens. On parle ici d’“hyper narrativité”. L’actualité serait ainsi devenue un récit consommable comme un autre.
La dérive de ces mèmes est, bien entendu, de transformer au fil du temps ce récit, au point de déformer la vérité et la réalité de la situation. Ou, pire, de devenir des outils de propagande et de désinformation. Pour autant, il pourrait être utile pour les médias de s’inspirer de cette forme de récit afin de mieux capter l’attention du public, estime le chercheur. Certains ont d’ailleurs déjà passé le cap de la “mèmification” de l’information en proposant des contenus (souvent vidéos) ludiques, visionnables en une poignée de secondes, interactifs et partageables.
“Il faut apprendre à créer des récits que les gens ont envie d’entendre ou auxquels ils peuvent se raccrocher. On n’a plus de récits communs, et les gens vont les chercher partout. Ils sont de moins en moins nombreux à aller les trouver dans les médias traditionnels. Il faut que les médias reviennent à des dynamiques de récits et qu’ils s’approprient ce que les codes de l’hyper narrativité ont d’intéressants.”
Autrement dit, s’approprier certaines “ficelles” sans pour autant renier ou mettre en danger les fondements-même qui font la raison d’être et la spécificité distinctive, à crédibiliser, de la presse…
Source: L’ADN – “Un site de partage de mèmes pourrait-il détrôner le journal de 20 heures ?” Par Béatrice Sutter.